Autisme et musicothérapie

L’emploi de la musicothérapie avec les autistes

Source: Fédération Québécoise de l’ Autisme

  1. Introduction à la musicothérapie… 
  2. Début de la musicothérapie dans le traitement de l’autisme : l’approche Nordoff-Robbins
  3. Des exemples d’interventions auprès des autistes
  4. Caractéristiques d’un bon musicothérapeute
  5. Conclusion : la musique, un outil polyvalent pour l’intervention auprès des autistes


La musique est utilisée à des fins thérapeutiques depuis des siècles. En tant que discipline, la musicothérapie comme telle ne s’est cependant structurée qu’à la suite de la Deuxième Guerre Mondiale, après que l’on ait observé ses bienfaits auprès de vétérans hospitalisés.

Très tôt, différentes raisons ont mis en évidence l’intérêt de la musicothérapie pour l’intervention auprès des autistes et, vers la fin des années 50, des spécialistes se sont bientôt concentrés précisément sur cette question. Dans le traitement d’une personne autiste, il faut toutefois préciser que la musicothérapie ne devrait pas être l’unique recours; cependant, utilisée conjointement avec d’autres formes d’interventions reconnues, elle constitue une option fort intéressante qui a su faire ses preuves par le passé.
 


1. Introduction à la musicothérapie…


La musicothérapie est l’utilisation judicieuse de la musique comme outil thérapeutique de base pour rétablir, maintenir ou améliorer la santé mentale, physique et émotionnelle d’une personne. Des améliorations d’ordre cognitif, social, etc., peuvent ainsi être induites par des activités musicales variées et la relation de confiance qu’elles instaurent.

Bien qu’une personne comme telle puisse développer des habiletés musicales pendant la thérapie, soulignons que l’éclosion de ces compétences ne constitue pas une préoccupation première pour l’intervenant. Celui-ci se concentre davantage sur les effets de ce développement sur son client; aucun talent musical préalable n’est d’ailleurs conditionnel pour entamer une intervention.

En général, les effets de la musicothérapie peuvent rejaillir de différentes façons sur le développement personnel du participant. Améliorer ses habiletés communicationnelles, son degré d’attention et ses performances académiques et motrices peuvent être des objectifs poursuivis, tout comme la diminution de comportements inadéquats, du stress, de l’agressivité s’il y a lieu, etc. Dans la mesure où les buts à atteindre sont très variables selon les personnes, on ne s’étonnera donc guère que les activités le soient aussi.

On doit par ailleurs savoir qu’il n’existe pas de style musical plus thérapeutique qu’un autre – une fois de plus, tout dépend de la personne à l’écoute et de l’objectif poursuivi dans le cadre de l’intervention.


2. Début de la musicothérapie dans le traitement de l’autisme : l’approche Nordoff-Robbins


L’approche élaborée à la fin des années 50 par Paul Nordoff, diplômé du Philadelphia Conservatory of Music, et le Dr Clive Robbins, fait office de pionnière dans la musicothérapie, particulièrement dans celle employée auprès des autistes.

En 1958, Paul Nordoff constate la réponse musicale d’enfants handicapés et devient si convaincu des pouvoirs de la musicothérapie qu’il abandonne sa carrière d’enseignant, et trouve bientôt un collaborateur en la personne du Dr Clive Robbins. Après de premières expériences thérapeutiques menées en Europe, un projet-pilote de l’Université de Pennsylvanie les amène à travailler, en 1961, avec des enfants handicapés parmi lesquels figurent des autistes.

Compositeur, Paul Nordoff utilise le piano et l’improvisation vocale comme moyens de communication et d’échange avec les enfants autistiques. Cet usage créatif de la musique et les résultats obtenus amènent de plus en plus de gens à s’intéresser à la question, ce qui donne lieu à de la formation, des publications diverses, de la diffusion de matériel musical, etc.

Graduellement, une théorie de l’approche Nordoff-Robbins s’érige : celle-ci se base sur la croyance qu’une musicalité cachée réside dans chaque être humain, et qu’elle peut être activée au service d’une croissance et d’un développement personnels. À ces fins, on recourt à l’improvisation musicale, dans laquelle la créativité innée individuelle est utilisée pour surmonter des difficultés émotionnelles, cognitives et physiques. Dans cette forme d’effort créatif, les clients jouent un rôle actif en faisant de la musique avec leur thérapeute sur bon nombre d’instruments familiers ou adaptés. Parce que les instruments peuvent être choisis par eux et qu’ils ne nécessitent pas d’habileté particulière, aucune expérience préalable ou formation n’est requise. L’approche Nordoff-Robbins s’adresse par ailleurs à des individus de tous âges, allant de l’intervention précoce (faite à partir de 18 mois) à celle effectuée auprès d’adultes.

Il est à noter que la pertinence des interventions est étudiée grâce aux enregistrements des séances, qui permettent également de planifier les prochaines interventions si nécessaire. Cette méthode d’évaluation confère un certain aspect scientifique à la démarche Nordoff-Robbins, dont il existe maintenant plusieurs centres à travers le monde (notamment aux États-Unis, en Angleterre, en Allemagne et en Australie). En dehors de ces centres, mentionnons que les musicothérapeutes spécialisés dans l’intervention auprès des autistes utilisent souvent plusieurs modalités de cette approche réputée.


3. Des exemples d’interventions auprès des autistes


Pour planifier une intervention, les musicothérapeutes choisissent leurs activités à partir d’une myriade d’approches et d’expériences musicales possibles (improvisation, écoute de musique, performance instrumentale, apprentissages cognitifs à travers la musique, etc.) en fonction des personnes avec lesquelles ils travaillent. En ce qui a trait au matériel employé, le thérapeute peut composer lui-même de la musique ou des chansons, ou puiser à même le répertoire de musique pour enfants; ce dernier, riche en chansonnettes simples, présente régulièrement des répétitions qui facilitent les exercices pédagogiques. Quant aux instruments de musique mis à la disposition des participants, on peut retrouver, outre celui ou ceux de l’intervenant, un synthétiseur, des percussions variées, un balafon (xylophone en bois), des flûtes, un « bâton de pluie », etc.

À la base, la plupart des interventions tendent à créer un pont entre le client et le thérapeute. Selon Juliette Alvin, une des premières spécialistes de la question, dans le traitement de l’autisme la meilleure approche est d’être ouvert et de se préparer à n’importe quoi. En premier lieu, elle suggère de laisser la personne autiste explorer les instruments et se familiariser avec eux (certains les sentiront, les toucheront, etc.). Ensuite, une fois que la personne semble confortable, le thérapeute inclut alors les instruments dans l’exploration de l’entourage effectuée par l’enfant. Petit à petit, une fois que celui-ci a développé une communication non verbale par le biais des instruments, l’intervenant peut commencer à encourager une forme de communication verbale liée directement à la musique si le cas s’y prête.

À tous les niveaux, beaucoup d’activités différentes sont possibles : une personne, par exemple, pourrait apprendre à jouer du piano pour améliorer sa motricité fine. Sur un plan plus émotionnel, l’intervenant et son client pourraient aussi composer des pièces ou chansons ayant pour but l’extériorisation de sentiments; en ce cas, la musique joue alors le rôle de canalisateur par lequel la personne peut exprimer ses émotions, ses souffrances, ses angoisses…

Dans un autre ordre d’idées, la musique préférée peut être utilisée pour une large gamme d’activités de coopération, de manière à travailler les comportements sociaux. Dans un groupe, faire passer un ballon d’un enfant à un autre au son de la musique ou leur faire jouer du tambour ensemble seraient, par exemple, des moyens employés pour susciter une interaction. On peut également pratiquer la résolution de problèmes à l’aide d’une histoire parsemée de bruitage et de musique, etc.

Les problèmes de langage observés chez les autistes forment un autre champ de compétences dont la musicothérapie peut favoriser le développement ou la correction, le cas échéant. Certaines personnes autistiques chantent même si elles ne parlent pas : auprès d’elles, les musicothérapeutes peuvent alors accroître systématiquement le langage à travers des activités de chant. Plusieurs points peuvent ainsi être travaillés selon les besoins manifestés : problèmes d’écholalie, d’intonation, d’absence totale de verbalisation ou autres. Myra J. Staum, dans son article « Music thérapy and language for the autistic child », présente notamment le cas d’un enfant autiste apprenant graduellement des phrases simples à l’aide du chant. Dans un exemple d’exercice typique, une poupée était manipulée par l’intervenant pendant que la chanson disait :

Ceci est une poupée (l’enfant, qui présentait de l’écholalie, répétait en chantant : « ceci est une poupée ») La poupée saute (« La poupée saute »).

Graduellement, de nouvelles actions sont introduites (marcher, s’asseoir, dormir, etc.) et l’intervenant diminue graduellement sa propre participation. Une fois la musique éliminée complètement, dans ce cas-ci, l’enfant s’est montrée capable de construire des phrases en réponse aux questions « qu’est-ce que c’est ? » et « que fait la poupée ? »; cet apprentissage a sans doute été facilité par la présence de musique et la vue d’un objet associé. Notons par ailleurs que, même si les mots de certaines chansons ne paraissent pas toujours importants comme tels pour une utilisation quotidienne, le simple fait de les agencer représente un pas important dans l’apprentissage de certains enfants. Selon Myra J. Staum (1997), à la suite d’une intervention, si un élève oublie les mots ou les phrases acquises, il est d’autre part possible de les lui rappeler en lui faisant réentendre la chanson.

Si le thérapeute voit son temps limité en raison de groupes plus nombreux, il est bon de savoir que presque toutes les expériences de chant sont susceptibles d’être bénéfiques aux autistes lorsque les chansons sont présentées lentement, clairement, en orientant l’intérêt de l’enfant vers l’activité en cours.

La découverte de son propre corps et de l’espace qui l’entoure est un autre aspect pour lequel la musicothérapie peut être utile à l’individu autiste. Certains thérapeutes utilisent par exemple des « marches militaires » et amènent les enfants à marcher au rythme de ces dernières; une musique et une cadence différentes sont ensuite utilisées pour éviter que les sujets ne développent un modèle répétitif lorsqu’ils marchent. Plusieurs enfants autistiques sont aussi invités à danser : par le fait même, on les incite à accorder leur confiance à l’intervenant, à développer un meilleur contact visuel et une plus grande conscience des contacts physiques. De même, en dansant sur des styles de musiques différents, l’individu peut apprendre à se familiariser au changement et à la synchronisation, etc.

En somme, on voit qu’il existe des douzaines de façons par lesquelles la musique peut être employée à des fins thérapeutiques auprès des enfants autistes. Beaucoup d’aspects, de la naissance d’une collaboration au prolongement des périodes d’attention, en passant par l’acquisition du langage ou de comportements socialement acceptables, sont susceptibles de figurer parmi les objectifs atteints dans un programme de musicothérapie; pour cela, il suffit de patience, de temps et d’un intervenant qualifié. Ce dernier point fera d’ailleurs l’objet de la prochaine section.


4. Caractéristiques d’un bon musicothérapeute


Comme on peut le deviner, à toutes les étapes de l’intervention, les compétences du thérapeute sont très importantes : la thérapie est basée sur ses connaissances de l’effet de la musique sur le comportement, des forces et faiblesses du client et des buts thérapeutiques préétablis. Ces buts peuvent être suggérés par lui, après une période d’observation, ou indiqués par les parents, un professeur ou tout autre professionnel en mesure de le faire.

Outre sa patience, sa créativité et son entrain, un musicothérapeute devrait idéalement répondre aux caractéristiques suivantes :

  • Un musicothérapeute qualifié doit avoir suivi une formation reconnue, lui donnant à la fois des bases musicales importantes, mais aussi des connaissances approfondies sur les effets de la musique et les possibilités d’intervention.
  • Il doit individualiser ses interventions en fonction de chaque client, avoir un plan d’action défini, et ses stratégies d’intervention doivent correspondre à la poursuite des objectifs établis.
  • Le musicothérapeute doit également être en mesure de parler de ses interventions avec des professionnels ou des membres de la famille du client : les parents, par exemple, devraient pouvoir savoir quels sont les objectifs précis du programme et comment on les poursuit.
  • Le musicothérapeute doit par ailleurs procéder régulièrement à des évaluations des résultats de la thérapie; il doit aussi avoir l’honnêteté nécessaire pour mettre fin à la démarche quand le traitement n’est plus nécessaire ou moins pertinent qu’au départ.

5. Conclusion : la musique, un outil polyvalent pour l’intervention auprès des autistes


La musicothérapie a fait ses preuves dans plusieurs sphères : on a par le passé relevé son influence positive sur la pression sanguine, la perception de la douleur, les voies respiratoires, les humeurs, le stress, etc.

Dans le cas précis des autistes et des personnes atteintes de troubles envahissants du développement, la musique constitue certainement une option intéressante et ce, pour plusieurs raisons.

Premièrement, la musique étant une forme de communication non verbale, elle constitue un moyen privilégié pour entrer en contact avec les enfants éprouvant des difficultés à communiquer, ce qui est une caractéristique très fréquente chez les autistes. La nature non verbale et non menaçante du médium constitue également un atout. D’autre part, la musique agit comme un renforçateur naturel, qui peut amener l’élève à acquérir des compétences qui ne sont pas musicales; presque tout le monde est susceptible de répondre positivement à au moins un genre de musique. C’est donc un outil polyvalent qui peut refléter les habiletés individuelles de chacun.

Dans un autre ordre d’idées, il a été dénoté à plusieurs reprises que les individus autistes avaient souvent une sensibilité particulière à la musique. Certains ne réagissent qu’à certains sons; d’autres ont en revanche l’oreille « absolue », une propriété qu’envieraient bien des musiciens.

En résumé, plusieurs raisons font de la musique un outil thérapeutique intéressant pour les autistes. Pour conclure cette présentation, en voici quelques autres :

  • La musique captive et retient l’attention – elle stimule et utilise plusieurs régions du cerveau
  • La musique structure le temps d’une façon claire et facile à comprendre (« c’est la chanson d’au revoir, la séance est presque finie ! »)
  • Elle fournit un contexte agréable et significatif pour les répétitions nécessaires à certains apprentissages
  • Elle crée un contexte social sûr et structuré pour la communication verbale et non verbale
  • C’est un aide-mémoire efficace
  • Elle supporte et encourage le mouvement
  • Elle facilite l’interaction et favorise l’expression de soi
  • Elle s’incruste dans la mémoire et les émotions
  • Elle favorise souvent la progression, puisqu’elle rejoint des personnes de tous les niveaux d’habiletés, tous capables de participer d’une manière ou d’une autre…

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